Encerclé !

Encerclé ! Ce fut le sentiment qu'éprouva le Chancelier quand il consulta les dernières prévisions cartographiques que lui avait fournit son administration, sur les troupes militaires et républicaines combattant pour le pouvoir.
En effet, le jeune prince était revenu du chevet de l'Empereur agonisant. Et ce dernier, n'étant pas en mesure de lui dicter la politique à appliquer, le Chancelier avait établi un plan simple. Il espérait ainsi sauver les honneurs de la monarchie qui, tout comme son ultime représentant, vivait ses dernières heures.

Après avoir fait évacuer la capitale aux derniers membres de la famille impériale encore présents, le Chancelier donna des consignes claires à ses fidèles : la garde impériale, en l'absence de souverain à protéger, devait défendre les bâtiments officiels et le peuple contre les troupes hostiles. Précision était faite que seul l'ordre public devait être maintenu à tout prix, par les troupes de la Nation.

Dans l'heure suivante, l'information que le Chancelier défendrait Allancia contre ses ennemis et ceux d'Edoran, était placardé à la plupart des carrefours urbains. Dans le même temps, le prince Alfred-Auguste de Traceau recevait une lettre l'informant qu'en tant que défenseur des intérêts de l'Empereur et la Nation, le prince de Fricard s'opposerait militairement à toute entrée d'hommes en armes dans la capitale impériale et son district.

Le ministre de la guerre rentre dans le Palais.

- Votre Altesse. Sa Majesté Impériale Alfred-Auguste a le soutien de l'armée. Nous avons pu mettre les mesures nécessaires. L'Armée ici présente lui a déjà assuré leur fidélité.

Le Prince, assis à son bureau, répondit calmement :

- Monsieur, je ne vous autorise point à user du prédicat de Majesté Impériale envers le traite qu'est le prince de Traceau !! Sa Majesté Impériale, la seule et unique que compte l'Empire, subit l'agonie à l'heure où nous parlons ! Alors révisais vos civilités, Monsieur le Comte.

Tout en fixant le flacon d'eau-de-vie qui trônait sur un secrétaire de son vaste bureau, Charles-Alexandre se leva, se servit un verre, et reprit :

- Il est inacceptable que les généraux se fourvoient à des complots de palais... Faites leur dire que s'ils refusent d'obéir à mes ordres, ils seront considérés comme traitres à la patrie, et que, si j'en ai l'occasion, j'exécuterai de mes mains la sentence inévitable !!

Votre Altesse, l'Empereur est mort. Tout l'Empire le sait. Il veulent juste le nom du nouvel empereur. L'anarchie est causée par cela. Il faut vous ouvrir les yeux. Sa Majesté est morte, et il nous faut sauvé les meubles. Selon mes informations, la république gagne en Chiron.

L'eau-de-vie faisant son effet, le jeune prince eut une violente envie de gifler le comte de Loubert, néanmoins, il poursuivi la conversation ; sur un ton impératif :

- Louis-François, je ne vous ai pas employé pour me dire ce que l'Empire sait... Et encore moins pour me dicter la conduite à suivre ! Voici vos ordres : rencontrer les généraux les plus influençables restés en villes, informez-les qu'ils ont pour consigne de défendre Allancia et son peuple. Et s'ils refusent, dites leur bien que le Prince de Fricard consacrera le reste des années qu'Ether lui donnera à vivre à les traquer pour les punir de leur lâcheté !

Ravalant une gorgée, il poursuivit :

- Quant à vous, sachez que je ne m'opposerais en rien à l'instauration de la république, et vous feriez bien de faire de même ! Il en va de notre avenir... Mais si par malheur, Alfred-Auguste pénètre dans la capitale, vous serais exécuté tout comme moi pour vous être interposé à lui !!! Comprenez où votre intérêt réside, mon ami...

Votre Altesse
Sa Majesté Alfred est à Allancia. Et je le soutiens comme les hommes de notre Armée qui sont dans la capitale. J'ai reçu, il y a quelques minutes, qu'une mutinerie avait eu lieu en Chiron, et que mon beau-fils a pris les armes. Il nous reste quelques heures, avant qu'ils décident de marcher sur nous. Votre Altesse, vous avez choisi la République.

Gardes, mettez aux arrêts le prince de Fricard.

Les deux gardes, auxquels s'adressaient visiblement ces ordres, furent saisit d'étonnement. Le Prince de Fricard profita du trouble apparent des ses hommes pour reprendre la situation en main :

- Louis-François ! Vous déraisonnez...

Le jeune ministre, plein de fougue, reprit de plus belle :

- Gardes !!! Mettez cet homme aux arrêts !

Alors, Charles-Alexandre renchérit :

- Ils n'en feront rien. Ces hommes sont fidèles à ceux qui les emploient... On ne peut pas en dire autant de vous !

Se dirigeant vers son fauteuil, il continua :

- Je vous arrête pour haute trahison. Vous allez être conduit à la prison centrale d'Allancia, où vous serez tenus au secret pour éviter que vos éventuels complices dans la place puisse vous porter secours.

Tout en parlant, il avait adressé un geste aux gardes, qui s'approchèrent du jeune comte.

- Vous serez jugé par un tribunal militaire dès que je l'aurais fait se réunir, et vous tomberez, je puis vous l'assurer ! Priez pour qu'Alfred-Auguste prenne la capitale avant...

Philibert demanda a être reçu... On lui fit comprendre que le Prince avait déjà de la visite.

Charles-Alexandre le fit entrer :

- Philibert, mon bon ami.
- La situation empire... J'ai laissé des policiers au parlement pour surveiler l'autre zigoto de Volga... pas méchant, aucun risque, mais la loi est la loi, n'est-ce-pas. Par contre des combats ont éclaté dans Allancia. Le tyran s'apprète à entrer dans All...

Philibert remarqua son gendre

- Il est arrêté pour haute trahison.µ
- Ne me dites pas que vous soutenez l'infâme commandeur?? Il faut être raisonnable voyons... on ne peut pas el soutenir, rajouta Philibert.

Le comte se retourna vers son ancien beau-père.

- Monsieur, je comprends votre stupéfaction, mais je suis un fidèle à la Couronne. Le Commandeur est maintenant notre Empereur et nous devons l'accepter. Son Altesse, le prince de Fricard a choisi de trahir son Empereur, pour permettre l'installation de la Répulique. Il déteste comme vous, le Commandeur et pour lui la solution est la République. Je suis fier de moi, car je respecte toujours mes idées. Je ne suis pas comme vous, qui aviez été un ardent défenseur des pauvres, pour vouloir aujourd'hui maltraiter des manifestants pacifistes au Parlement.

De colère, le Prince frappa sur son bureau, fixa l'ancien ministre et déclara :

- Si je n'avais la certitude de vous voir condamné et dégradé, je vous tuerai de mes mains pour les paroles que vous venez de prononcer ! Comment-osez vous dire que Alfred-Auguste est l'Empereur ?! C'est un ennemi d'Edoran, tout comme vous !!! Le seul Traceau légitime actuellement est François-Xavier, notre ancien empereur. Mais trêve de bavardage. Gardes, amenez cet homme...

Exécutant les ordres, les deux gardes conduisirent, avec toutes les précautions possibles, leur prisonnier au secret.
Pendant ce temps, Charles-Alexandre et Philibert continuèrent leur conversation :

- Philibert, croyez-vous que les forces dont nous disposons suffiront à stopper les hommes d'Alfred-Auguste ?

- Hélas mon ami, j'ignore tout des forces du traître...

Philibert manqua de défaillir...

Charles-Alexandre parvint à le mener vers le siège qui se trouvait tout proche.

- Excusez-moi, mais je ne m'attendais pas à une telle trahison de quelqu'un que je commençais à considérer comme un fils. Trahir notre empereur pour ce vil despote d'Alfred.
Hélas je pense que l'action d'Alfred Auguste ne va pas soutenir l'Empire. Notre tâche sera difficile

- Je partage votre déception vis-à-vis de Louis-François, moi aussi je plaçais une grande confiance en lui.

Tout en apportant un verre d'eau-de-vie à Philibert, le prince poursuivit :

- Il est évident que si Alfred-Auguste reprend le pouvoir, il ré instaurera une dictature ; ce qui n'est pas envisageable. Entendez-moi, je préfère voir la monarchie s'écroulait, et vous savez combien cela me couterais en terme de privilèges, que de voir Alfred-Auguste investir ce palais !

Sa Béatitude arriva chez le Prince de Fricard.

Reçue elle parue troublée par les derniers évènements...
Métrophane n'avait aucune sympathie pour AA. Mais il ne voulait pas intervenir dans le conflit de peur de voir l'Eglise s'entredéchirer et souffrir de cette guerre. Personnellement il soutiendrait l'opposition à AA.

Philibert revint à Allancia avec son ballon personnel, le plus rapide de tout Edoran. Il apporta la nouvelle de la proclamation de la République par le Chiron.
- Je crains le pire... Tout le monde n'acceptera pas cela. Ni les monarchistes, ni les partisans d'AA, ni les merxistes... Ca va être un bain de sang cette stupide proclamation.

Fricard semblait perplexe...

- A quoi songez vous mon ami?

Philibert aperçu Métrophane.
- Excusez moi votrre Béatitude je ne vous avais pas vu dans la précipitation.
- Ce n'est rien mon fils, je vous comprends. Je suis venu apporter mon soutien au Prince.

Charles-Alexandre adressa un discret sourire au Grand Pontife.
- Soutien grandement apprécié, Votre Béatitude.

Puis, se tournant vers Philibert, il reprit :
- En effet, cette proclamation n'est pas un bien pour nous. Néanmoins, je dois vous faire part d'un courrier que j'ai reçu...

Repoussant son fauteuil, le Prince-chancelier se leva et piqua droit sur un secrétaire en merisier. Fouillant dans une de ses poches, il sortit une petite clef ouvrant un tiroir du meuble. Il y trouva le document qu'il cherchait.
- Le Duc d'Esse m'informe du bienfondé de la république, et m'affirme que la province de Chiron se réunira au pouvoir central, s'il la république est proclamé. De plus, il souhaiterait savoir si le gouvernement allancien souhaite faire appel à ses troupes pour lever le siège de la ville.

Il reposa le courrier, et poursuivit.
- Nous marchons sur des œufs ! Je ne puis faire appel officiellement aux troupes chironnaises, celle-ci étant devenues des révoltés aux yeux du pouvoir que nous représentons encore... Mais sans leur aide, qui sait ce qu'il adviendra d'Allancia et d'Edoran !

Le Prince fit quelques pas en direction du Grand Pontife.
- Votre Béatitude, je suis certain qu'Alfred-Auguste vous autoriserait à sortir de la ville si vous lui en faite la demande. Faites-le, et rencontrer le Duc ! Demandez-lui de chasser Alfred-Auguste des abords de la capitale.

Ils furent introduis auprès du Chancelier.

- On m'informe, messieurs, que vous disposez de troupes capables d'affronter le Prince de Traceau?

La ville était bombardée par Alfred-Auguste.
Philibert se désespéra en se disant que c'était avec ses propres armes que le traître AA pilonnait la cité millénaire.

La déception et la colère le gagnaient

Le Prince de Fricard resta interdit. Comment ce professeur de mathématiques pouvait être aussi bien renseigné sur ses intentions les plus cachés. Il ne se rappelait pas d'avoir évoqué avec d'autres que ses ministres, la possibilité d'instaurer une république. Il se dit qu'un des employés administratifs avait du vendre l'information à ces hommes.

- Monsieur, je ne sais ce qui vous fait dire que je serais favorable à la cause républicaine ; et, quand bien même cela serait le cas, je ne pourrais officiellement prendre parti pour vos idéaux.
Comprenez, le peuple d'Allancia, assiégé, me tient pour seul pilier de la monarchie. Et même si celle-ci est chancelante, je ne puis prendre l'initiative de la faire basculer, sans m'attirer de nombreuses animosités.
Néanmoins, la situation étant ce qu'elle est, il est nécessaire que le peuple d'Edoran puisse se défendre de l'envahisseur qui l'oppresse. C'est pourquoi, je vous informe, qu'en l'absence de soldats pour l'utiliser complètement, l'arsenal de l'armée est à la disposition de vos hommes.

La même pensée traversa l'esprit du Prince de Fricard quand l'aviation du Prince de Traceau débuta le bombardement de la ville. Une vingtaine de minutes après, on l'avertit que les troupes républicaines (chironnaises et fransiennes) avaient à leur tour engager des escarmouches avec l'ennemi.

Ne sachant si le Grand Pontife avait ou non pu rencontrer le Duc d'Esse, Charles-Alexandre décida qu'il ne pouvait se permettre d'attendre ; et fit donner des consignes claires. Les officiers de la garde impériale eurent pour ordre de rassembler leur troupes au nord de la ville, et de se préparer à attaquer, simultanément avec les républicains, à l'aube du jour suivant.

A la tombée de la nuit, des hommes du Chancelier se glissèrent hors des murs d'Allancia, et portèrent aux officiers républicains un courrier du Prince de Fricard. L'issue du conflit était proche...

.Certains parmi la garde impériale se trouvèrent abasourdis de se battre à côté de ceux qui avaient juré de détruire ce wu'ils avaient juré de défendre. Aussi, certains refusèrent de se battre.

Philibert reparu...
- Le dirigeable est passé sans encombre avec sa Béatitude. Nous n'avons pas voulu risquer de le voir emprisonner par AA. Un dirigeable noir, de nuit... Contrairement à l'aviation, c'est absolument silencieux dans le lointain. Héhéhé. Il va à la rencontre du Duc d'Esse. Mon pilote reviendra ensuite sans Sa Béatitude. S'il le faut nous pourrons partir, même si honnêtement, je ne pense pas que je quitterai Allancia si jamais le tyran devait l'emporter. Je saurai mourir pour mon empereur!! La mort plutôt que le déshonneur de la servitude

Le Prince répondit à son ministre, qui avait réapparu :

- Je suis fort aise que Sa Béatitude soit arrivé sans encombre. Car, je dois vous l'avouer Philibert, j'ai quelques remords quant au bienfondé de cette mission. Je m'explique, depuis notre rencontre avec le Grand Pontife, les choses ont évolués. Les dirigeants républicains sont venus à ma rencontre, m'affirmant ainsi le désir du peuple édorannais de ne pas retomber dans la dictature sanglante, comme auparavant. Ainsi donc, je me suis résolu à lutter à leurs côtés contre l'oppression, et l'oppresseur !

Puis, invitant son ami du geste, les deux hommes se dirigèrent vers un salon en apparence plus calme.

- Philibert, vous le savez mieux que moi, l'exercice du pouvoir est une chose ardue. Figurez-vous que j'ai reçu dans la soirée des rapports de capitaines de la garde impériale, faisant état de rébellion de soldats, et même d'officiers, dans les rangs de mes fidèles.

Le regard du Prince s'emplit soudain d'une mélancolie qui lui était propre. Il poursuivit néanmoins :

- Imaginez le sentiment que peut éprouver un homme de pouvoir comme moi, quand il comprend que ses plus dévoués serviteurs viennent à douter de lui ! Philibert, mon ami de toujours, je vous en conjure, aidez-moi à y voir clair !! Ai-je raison de défendre le peuple plutôt que mes convictions profondes ? N'est-ce pas là le bon devoir de toutes autorités sur terre ?!

Pour la première fois, l'infaillible Prince de Fricard semblait laisser entrevoir une brèche dans l'armure qu'il s'était forgé...