Congrès du Parti Impérial

Des milliers de grands électeurs, la fine fleur des notables du Parti Impérial, se réunissait dans la ville de Léry. Derrière les portes bien gardées d'un vaste théâtre, sur la scène ou en coulisse, les heureux élus auraient l'occasion d'être harangués, de prendre part aux manœuvres politiques ... Sans nul doute, dans une situation assez confuse où aucune majorité ne se distinguait vraiment, la partie serait difficile.

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Ténors du parti, le duc de Léry et le comte de San Sebastian avaient su mobiliser leurs partisans. Théophylacte, représentant l'aile religieuse, également. Aussi leur score, solide, n'avaient rien d'étonnant. Le chef du gouvernement, en revanche, avait subi une certaine déroute. Des partisans déçus murmuraient que les votes auraient pu être manipulés ... Toutefois, l'habileté du prince de Klausbourg n'étant pas à démontrer, celui-ci ne s'avouerait certainement pas encore vaincu. Il demeurait pour l'heure, et sauf coup de théâtre, dans la course à la présidence.

Le résultat le plus surprenant provenait du marquis zu Windischgrätz. Fraîchement rentré de la lointaine Özterreich, il talonnait les deux grands ténors du parti. Son fort succès aux primaires du Parti Impérial n'avait manifestement pas été gêné par son manque de notoriété. Du reste, il ne se rapprochait d'aucune autre tendance, religieuse, droitière, ou modérée. Un courant puissant s'était dégagé en sa faveur, le mettant au moins en position de faiseur de roi. La nouveauté de sa figure avait peut-être séduit les membres du parti désirant un renouveau dans les instances. Le duc de Léry était bien connu, et personne n'était dupe quant à Morville : chacun le savait manipulé par le madré comte de San Sebastian.

Les jeux d'influence et les tractations politiques allaient commencer.

Chers membres,


Aujourd'hui, vous avez une opportunité historique de choisir le troisième chef du Parti Impérial. Une seule personne pourra succéder  à Jean-Baptiste de Lancret et à Edmond Chalent.  Et c'est vous qui devrez voter pour ce nouveau chef.


Je vous invite à voter avec votre coeur de patriote et votre conscience pour choisir le seul candidat qui saura défendre notre nation de par son expérience militaire, qui saura mettre à sa place une Église soumise à l'Empereur et qui gardera la ligne dure face aux syndicats, aux républicains et aux markistes.


Ferez-vous confiance à l'inexpérience ou les grenouilles de bénitiers ou ferez-vous confiance à un homme fort et conscient de l'héritage du Parti Impérial!

les représentants du courant plus religieux étaient arrivés. Ils n'avaient pas de candidats... ils pesaient lourd.

Alors que le chef du gouvernement était attendu pour prendre la parole devant l’auditoire, ce fut finalement, à la surprise générale, Charles-Nemrod de Fleury qui s’avança vers la tribune. Il avait eu, avaient remarqué les observateurs, de longues discussions avec le prince Alexandre de Klausbourg ainsi que d’autres ténors du parti.

« Messieurs, chers représentants du Parti Impérial,

Notre formation politique est à un tournant historique. De la force invincible de notre unité ou du piètre spectacle de notre discorde, les Édoranais conclueront s’ils peuvent nous faire confiance pour restaurer la puissance de l’État, l’autorité de l’Empereur, la puissance de l’armée, le respect des bonnes mœurs. De la majorité unanime qui se portera sur un homme, ou de l’éparpillement de vos voix sur une pléthore de candidats, dépendra le sort de ce congrès, et, je n’ai pas peur de l’affirmer, le sort des prochaines élections.

Dans cette circonstance, notre devoir est clair. Le parti impérial doit rester uni et unanime parce que sans cela, nous perdrons les élections, et l’effort de redressement actuellement en cours sera définitivement compromis.

Avec beaucoup d’humilité et de courage, le chef du gouvernement, que je salue avec émotion, a souhaité renoncer à cette élection à la tête du Parti Impérial. »

Une vague de stupeur saisit l’assemblée. Quel rebondissement ! Le chef du gouvernement était connu pour sa détermination. Le marquis zu Windischgrätz, après une pause très brève, continua :

« Je vous demande, chers amis, de faire une ovation soutenue au prince de Klausbourg qui a grandement réformé le pays et qui, au mépris de ses intérêts personnels et de sa carrière, souhaite faire triompher le bien commun ! »

Devant l’affichage d’un tel désintéressement, on vit chacun applaudir le prince de Klaubsourg avec plus ou moins d’entrain.

« À la demande du prince de Klausbourg, fort des centaines de voix qui se sont déjà spontanément portées sur mon nom, sans aucune sollicitation de ma part, je souhaite présenter ma candidature à la tête du Parti Impérial.

Chers amis, mon programme est simple. C’est celui qu’ont su promouvoir avec talent Jean-Baptiste de Lancret et le comte de San Sebastian.
Je veux être un candidat de compromis et d’unité. Je n’appartiens qu’à une seule tendance, qu’à un seul parti : celui de l’armée, de la religion, de l’Empereur ! Au sein du Parti Impérial, je ne combattrai personne, je souhaite favoriser tout le monde.

Quelque soit votre choix, chers patriotes, permettez-moi du vous dire que si vous m’élisez, je n’aurai qu’un objectif en tête : maintenir l’unité du Parti pour gagner les élections.

A la tête de notre formation, je me battrai pour que la religion soit respectée et honorée.
Je me battrai pour que l’armée reçoive les crédits qui lui manquent.
Je me battrai pour que les prérogatives de l’Etat ne soient pas bafouées, et que les syndicats et les merksistes subissent les foudres de notre police.
Je me battrai pour que l’Empereur soit le père chéri de tous les Édoranais,

Chers membres du Parti Impérial, clamons tous ensemble : Vive l’Empire, vive la Religion, vive l’Armée, vive l’Empereur ! »

Ce discours fleuve et inattendu du troisième homme de cette élection semblait avoir fait un certain effet. La figure de compromis et nouvelle de Charles-Nemrod de Fleury pourrait en séduire plus d’un, même si son manque d’ancienneté pouvait aussi être un défaut. Le soutien du prince de Klausbourg donnait au marquis zu Windischgrätz toutes ses chances.

Les journalistes accrédités (bien évidemment, il n'était pas question de laisser venir des journalistes à la solde du markisme et de la franc-charpenterie), bref les journalistes du Petit Edoranais et de l'Impérial, avaient de quoi faire d'excellent papiers. Les orateurs se succédaient, les courants venaient exposer leurs vues dans le but de masquer les véritables négociations, celles qui avaient lieu dans les coulisses, autour de certaines tables, un peu à l'écart, celles qui réunissaient les têtes pensantes des courants. Personne n'était dupe, évidemment, mais tout devait continuer comme si de rien n'était. Chaque groupe comptabilisait ses forces, tentait de faire changer des alliances, de retourner des fidélités, de torpiller des regroupements.

EL/ Finalement, nous votons, ou non ?

Passons au vote!


Que les délégués votent!

votons

Les délégués étaient prêts à passer au vote