Dans le bureau impérial

Philippe Ier de Moldavia avait été désigné Régent du Saint-Empire. Comme son père avant lui, il lui revenait d'assumer l'interim du pouvoir impérial dans une période de crise inédite.

A la capitale pour la session extraordinaire ayant instauré la Régence, il s'était mis aux affaires sans attendre. Car, selon le voeu du Peuple et de la Constitution, il revenait à l'Empereur - donc au Régent - de régner et gouverner.

En effet, les vacances du pouvoir n'étaient jamais propice à la paix civile et à la prospérité des états. De plus, il fallait donner le signe d'un pouvoirs fédérales forts afin d'éviter le délitement de l'Empire. Ainsi, Philippe prit la décision de s'installer au Palais de la Réunification. Respectueux de l'autorité impériale, il installa ses appartements privés dans les appartements des Princes, occupés naguères par son père, laissant à Sa Majesté convalescente au château d'Estérel la possibilité de revenir au Palais si elle souhaitait.

Dès l'après-midi qui avait suivi sa prise de fonction, le Régent Philippe - ainsi qu'il se faisait désormais appeler - s'était enfermé dans le bureau impériale. Puis, en conférence avec le Maréchal du Palais, le général de Villeurban, son plus proche collaborateur, il prit connaissances des dossiers les plus urgents. La relance de l'activité nationale mobiliserait toute son attention.

Le lendemain, veille de la Saint Klaus et Damos, il enregistra le traditionnel message qui serait diffusé sur toutes les ondes et par toutes les chaînes de télévision du Saint-Empire. L'image était savamment travaillée. Sous le portrait de l'Empereur régnant, des photographies de l'Empereur émérite Charles et du Prince Louis, son père, en arrière plan, il délivra le seul message qu'il pouvait délivrer en ces instants d'incertitude : un message d'espérance, d'unité et dans confiance dans l'avenir. A titre d'exorde, il prononça un vibrant "Joyeuses fêtes des Saints Klaus & Damos, Vive l'Empereur, Vive Edoran !"

Philippe, empruntant l'impérial Express, s'était à réveillonner chez lui, en Moldavia, au château de Peles, résidence de vacances des souverains du Basilissat. Ainsi, il avait eu le plaisir de se retrouver en compagnie de sa mère la Basilissa Antonia-Esméralda, de ses frères et soeurs, le prince Procope, la princesse Sybille, et le prince Jules-Ezéchias, leurs consorts respectifs, le prince Loïc-Alexandre de Fricard et la princesse Wilhelmine d'Alémanie, ainsi que  sa nièce et ses trois neveux, la princesse Louise-Alexandra de Fricard, et les princes Georges-Alexandre, Victor-Alexandre et Henri de Fricard.

Le surlendemain, Philippe quittait le calme de sa retraite pour rejoindre le tumulte des affaires. La journée du 30, fut consacré à la rencontre avec les chefs d'état-major. Il n'oubliait pas qu'il était désormais le chef suprême des armées. Son entretien avec le Maréchal d'Edoran, le général Hubertin de Franchard, fut certainement la plus surprenante. L'homme était un nationaliste pur crin amère des défaites successives qui avaient rogner les marges du Saint-Empire. Fixement au garde à vous, il attendit l'ordre de se mettre au repos et de s'assoir.


FRANCHARD : - Votre Altesse - Philippe avait renoncé au titre de Majesté porté au Basilissat - et qu'il ne portait plus qu'en des occasions officielles en tant que Basileus, pour préférer dans le quotidien et dans l'édifice institutionnel fédéral le "modeste" traitement d'Altesse, plus convenable à un Régent - Je crois qu'il faut profiter de la flémingite pour consolider nos frontières. Un mot de vous et je fais sauter mes paras à Sibiou, à Travna et à Slavouvytch. Je gage qu'en 48 heures, après une bonne reprise en main militaire et un référendum populaire pour la forme, la Transvalachie, la principauté de Travna et le royaume d'Alémanie du Sud, peuvent être annexés à l'Empire. Le corps expéditionnaire n'attends qu'un mot pour lancer l'expédition "Reconquête".

Philippe fut interloqué par tant... d'enthousiasme, et de bêtise, pensa-t-il.

PHILIPPE : - Franchard, j'aime votre patriotisme, vraiment... mais euh... je ne crois pas que le moment soit euh... opportun... pour déclarer la guerre à nos voisins et faire imploser la Grande-Alliance.

FRANCHARD : - Altesse, la Flémingite fera de cette opération une promenade de santé, rendra la fierté à nos armées, redorera notre drapeau et renforcera l'honneur nationale ! La prise de risque est minimale, le gain maximale ! Rien ne vaut une bonne guerre pour relancer l'activité nationale sur des bases patriotiques !

"Et il y croit en plus", pensa Philippe

PHILIPPE : (désormais, assis, frottant machinalement ses tempes) Je ne crois pas général... Et je ne tiens pas à déclencher l'ire de la communauté internationale

FRANCHARD : Pardon Altesse, mais on les emmerde... Les canons s'est fait pour être utilisés sinon... bah ça s'use. Et un soldat c'est pas fait pour dormir dans une caserne... Pardon du peu mais on est un empire bordel de culs. Notre fond de commerce c'est la guerre !

"Quel sens stratégique ! J'ai le champion de mes généraux", commenta intérieurement et tout à fait ironiquement le Régent. "Allons mettons fin à cette mascarade", pensa-t-il


PHILIPPE : Merci général pour cet exposé précis sur l'état de nos forces terrestres. Je crois pour ma part que l'Empire c'est la paix. Renonçant alors à argumenter, il poursuivit : Mais peu importe... Vous savez quoi ? Tenez vos hommes prêts, on sait jamais, si la Biéloslavie tentait de s'étendre en Alémanie du Nord... Mais surtout ! Attendez mon ordre pour agir...

Le général repartit amère : "quelle bourses molles" pensa-t-il. "Enfin, que peut-on attendre du fils de couilles-molles" (ainsi certains officiers appelait-il le prince Louis, père du Régent, qui, en son temps, Régent lui-même, avait perdu Travna et les bases édoranaises en Russlavie).

Le Régent prenait connaissance des rapports du SEE que lui présentait chaque matin le général Dufortin, commandant du CIROS. Le comte de San Sebastian, Grand-Chambellan, qui présentaient lui les rapports de renseignement intérieurs, se présenta la mine grave, préoccupée.

PHILIPPE : Monsieur le Grand-Chambellan, qu'en est-il de la manifestation de ce week-end ?

SAN SEBASTIAN : Les rapports de la gendarmerie impériale sont formels : 109 543 manifestants dans tout l'Empire, plus de 20 000 manifestants à Allancia malgré la pluie. Des tensions avec les forces de l'ordre. La colère gronde.

PHILIPPE : Quelles sont les revendications des manifestants ?

SAN SEBASTIAN : Il réclame des emplois.

La paralysie du pays avait détruit le tissu économique édoranais. Il fallait recréer les conditions d'une croissance économique. En l'absence de gouvernement et dans le cadre de ses attributions protectorales, le Régent allait devoir descendre dans l'arène politique.

PHILIPPE : Nous ne pouvons attendre la fin des élections législatives et la nomination d'un nouveau gouvernement... (le Régent marqua un temps de réflexion). Villeurban trouvez-moi la liste des entreprises actives qui recrutent. Appelez aussi EdoTV2, je veux m'adresser directement au peuple édoranais.

SAN SEBASTIAN : Très bien Votre Altesse.

PHILIPPE : Y a-t-il autre chose ?

SAN SEBASTIAN : Oui, la monarchie de Francovie a nommé un nouvel ambassadeur auprès de Sa Majesté.

PHILIPPE : Bien, organisez une cérémonie de remise des lettres de créance au plus vite. J'ai besoin des Francovars pour relancer la Grande Alliance.

La salle du trône avait accueilli, comme de coutume lorsqu'un nouvel ambassadeur prend son poste à Allancia, la cérémonie de remise des lettres de créances.

Le Grand Chambellan, le général comte de Villeurban accompagna la jeune ambassadrice sous les ors du Palais, jusqu'au lieu de la cérémonie. La délégation francovare accueillait depuis quelques minutes déjà, lorsqu'un huissier du Palais annonça : " Sa Majesté Philippe Ier, par la Grâce d'Ether, Basileus de Moldavia, Régent du Saint-Empire."

Le Régent pris place à la droite du trône, celui-ci restant vide.

Le Grand-Chambellan présenta l'ambassadrice francovare au jeune Régent : "Votre Majesté, il m'est un honneur de lui présenter Son Excellence Madame Philippine Lumeau-Péricard, ambassadrice plénipotentiaire et extraordinaire de Francovie auprès de Sa Majesté" La jeune femme, dont il n'avait échappé à personne qu'elle était la fille du Premier Ministre de Monignac présenta ses lettres de créance qui, acceptées, signifaient son accréditation officielle au Saint-Empire.

Le Régent reçut ensuite la diplomate en entretien. Il s'agissait de faire le point sur les relations franco-édoranaise.

Une fois dans la confidentialité du bureau impériale, Philippe invita son hôte a s'assoir dans un des fauteuils séculaires. Le Grand-Chambellan s'éclipsa afin de régler les détails d'installation de la délégation.

- Excellence, je dois avouer que je connais fort peu votre pays. Nous avons néanmoins de nombreux intérêts partagés. La Grande-Alliance a permis à nos deux pays de se rapprocher en dépit de leur éloignement géographique. Je souhaite poursuivre cette dynamique par l'intensification de nos échanges. L'approfondissement de nos relations diplomatiques et commerciales me tient à cœur. Votre arrivée était souhaitée. Soyez la bienvenue au Saint-Empire.

Après la libération de Chinisau, le front s'était endormi. Accusant la mollesse de Dufortin, son supérieur et chef d'état-major des armées, le général de Franchard, chef d'état-major de l'Armée de terre, leader des faucons à l'état-major général trépignait d'impatience de reprendre la main sur l'offensive.

Ces derniers mois, il avait pu toucher l'oreille du Régent. Alors que la diplomatie avait montrer son inefficacité, tout indiquait la nécessité de reprendre l'offensive. Davantage, la flémingite du gouvernement russlave permettait d'entrevoir une victoire décisive sur l'ennemi héréditaire.


FRANCHARD : Sire donnez moi l'ordre de reprendre l'offensive. Avec trois divisions blindés et trois divisions d'infanterie, je vous renvoie tout ce monde là à Murasibirsk en moins de deux !

PHILIPPE : Je souhaite rechercher une solution diplomatique. Aucune de nos deux puissances n'a d'intérêt de voir le conflit perdurer/

FRANCHARD : Sire ! Ce serait une trahison ! Nous avons l'avantage tactique ! Il faut les culbuter !

PHILIPPE : Franchard ! De grâce !

FRANCHARD : Sire ! Que Diable ! Nous sommes des Edoranais pas des Scanthélois ! On les écrabouille et on discute ensuite !