Fiévreux préparatifs avant le départ...

Dans le bleu ensoleillé de l'été impavide, les navires édoranais paradaient dans la rade de Baradnaith tandis qu'à terre le camp militaire du Prince-Amiral bruissait d'une activité peu commune.

Impavide, les mercenaires de Zagner, payés par le contribuable d'Allancia, vérifiaient leurs armes tandis que les soldats édoranais, levés dans les prisons du Saint-Empire, affutaient leurs couteaux. Les Sorabes, bien moins nombreux, piaffaient d'impatience avant de remettre le pied sur leur sol natal.

Dans sa tente, entourés des officiers édoranais, le Prince-Amiral affutait son plan. Ceux-ci y avaient ajouté deux inflexions majeures. Premièrement, on attaquerait au moment d'un bombardement livadien sur Port-Princier pour profiter de la cohue. Personne n'avait tenté de joindre les Livadiens pour coordonner les attaques. Les Edoranais étaient en froid avec le Grand-Royaume depuis que celui-ci cherchait obstinément à le faire reculer à Udessa, et le Prince-Amiral ne portait pas dans son coeur ceux qui venaient par deux fois d'incendier Port-princier. En somme, on se coordonnerait malgré eux.

Le départ était donc imminent. Que l'opérateur radar édoranais détecte un mouvement depuis Zorkney-Harbour d'où décollaient les aéronefs livadiens, et Jérôme de Lusance n'avait qu'à appuyer sur un bouton pour que toute l'opération se mettre en branle.

Les officiers édoranais, fort de leur très grande maîtrise dans l'art de la guerre, avaient convaincu le Prince-Amiral du point de chute : Fort-Sorabe ! Protégé à l'ouest et au sud par la montagne et à l'ouest par l'océan et la flotte édoranaise. Une fois les quatre régiments sorabes écrasés -ou ralliés ! -, on flierait au nord vers Lusance.

Le Prince passa en revue ses hommes. Les droits communs édoranais ne lui accordèrent qu'un vague regard, les mercenaires de Zagner le saluèrent froidement et protocolairement, mais les deux milles sorabes exilés par Vérance lui accordèrent des vivats.

Ils lui jurèrent fidélité. Plusieurs grands capitaines ralliés, Grosbras, Kergonon, et surtout Primus de Varennes, qui se vantait d'avoir cassé la gueule à Vérance quelques années auparavant*, le saluèrent de son titre avec la déférence qu'il aurait accordé à Frédéric Ier.

Lusance se retira de la tente. Sa proclamation aux Sorabes était achevée. Le plan était prêt, parfaitement rodé, et les officiers et grands capitaines s'étaient retirés. Il contempla l'océan. Le forban ne croyait en rien, si ce n'est en son étoile et aux mânes de ses ancêtres, rois et maitres de Sorabe depuis le commencement. Il lui semblait que les Dieux étaient de son côté. Demain ou après-demain, il foulerait la terre de ses ancêtres, une terre qu'il n'avait jamais connue mais qui lui revenait, par le sang reçu, et bientôt par le sang versé.

*véridique !